Ce cours entend sonder la supposée « crise » de l’Etat, phénomène auquel il convient plutôt de parler de « mutations ». Il convient en effet d’être prudent quant aux discours normatifs, catastrophistes ou enthousiastes, portant sur la possible « fin » de l’Etat. En effet, les sciences sociales ont bien montré le double caractère de l’institution étatique, à la fois contingente (elle est apparue en Occident à la suite de dynamiques historiques qui sont propres à cette aire mais qui auraient tout bien pu se dérouler autrement) et relativement plastique (elle a en effet subit des transformations dans son histoire). Il s’agit donc de ne pas considérer l’Etat comme une entité stabilisée, homogène, unifiée, unique, délimitant un périmètre clair et qui serait le cadre naturel de l’activité politique rationnelle. La sociologie de l’action publique pousse au contraire à opérer une double déconstruction de l’Etat, en interne (il n’est donc plus perçu par en haut et comme un bloc homogène ; mais par le bas et par le détail, comme un agrégat d’institutions différentes, éventuellement placées en situation de compétition car porteuses de stratégies et d’intérêts divergents) et en externe (il est relativisé dans son environnement social, à travers des interactions diverses et complexes qu’il entretient avec la « société civile »). La notion de « gouvernance » fournira un point d’appui intéressant pour étudier ces mutations de l’institution étatique et révéler l’extraordinaire diversité des processus de prise de décision, la pluralité des acteurs plus ou moins concernés et accrédités, l’éclatement des ressources dont ils disposent, des formes d’étiquetage des problèmes sociaux susceptibles de générer une intervention des pouvoirs publics mais également des conceptions et des valeurs engagées dans le travail gouvernemental. Le cours tentera donc au total de montrer la difficulté à gouverner qui caractérise les Etats démocratiques.
- Enseignant: XAVIER MARCHAND TONEL